Pari réussi pour
Marseille, les touristes affluent dans ce qu'il convient d'appeler le
Montmartre phocéen. Avec ses larges escaliers, ses ruelles étroites
et ses maisons pittoresques, le Panier a tout pour faire une belle
carte postale. Pourtant, cette image du plus vieux quartier de
Marseille, n'est pas complètement authentique.
Des croisiéristes
italiens, reconnaissables à leur numéro plastronné sur leurs
vestes, descendent enchantés la montée des Accoules. Ils seront
vraisemblablement plus d'un million en 2014, à emprunter un circuit
qui les mènera au Vieux Port en passant par le Panier. De nombreux
commerçants et artistes se sont installés dans ce village en plein
cœur de Marseille. Un fabricant de santons, un parfumier, des
boutiques de souvenir, une pléiade de restaurants. Chacun de ses
commerces s'est approprié le nom du quartier pour faire accourir les
chalands : le Panier des Créateurs, la Terrasse du Panier ou
encore le Panier marseillais. Les riverains se plaignent d'avoir à
se frayer un chemin parmi les vacanciers pour regagner leur logis, ou
d'attendre de longues minutes devant la boulangerie dans une queue
interminable.
Lisa Deck a installé sa
galerie il y a 8 mois aux Accoules. Elle a su s'intégrer à cet îlot
du 2ème arrondissement. « Ce quartier inspire beaucoup
d'artistes. Avec Marseille capitale de la culture, ils sont arrivés
en nombre. Puis la fréquentation s'est atténuée et quelques uns
sont partis. Les habitants sont venus voir ce que je faisais. Il y a
un respect mutuel » décrit la sculptrice. Cette créatrice
fait partie de ces nouvelles têtes fraîchement débarquées. Elles
se distinguent de la population traditionnellement populaire du
quartier, car au Panier, n'est plus locataire (ou propriétaire) qui
veut. Rénovation, réhabilitation ou restauration sont passées par
ici. On devine difficilement la silhouette d'un ancien moulin sur une
place pourtant éponyme ; il a désormais l'aspect d'une maison.
Franck qui a grandit dans le coin, surnomme ironiquement la Place des
Moulins, « le côté VIP ». Patou Rahal, présidente du
comité inter-quartier déplore une multiplication par dix des loyers
sur les trente dernières années. Entre 2630 et 2930€ au mètre
carré, le Panier n'est plus très loin des prix pratiqués dans les
endroits les plus prisés de Marseille.
Un employé municipal
attaché à ce lieu confie à une passante. « Ça m'étonne
tout le temps de voir autant de gens prendre des photos. Il y a
vingt, trente ans, c'était vide, personne ne venait par ici ».
Retour plusieurs décennies en arrière. Jean-Noël Guerini est alors
maire de la cité phocéenne. Le Panier traîne une très mauvaise
réputation. Au cœur de trafics en tout genre, peu de marseillais ne
souhaitent s' y installer. Les commerçants se plaignent. Alors, la
mairie tâche d'encourager le repeuplement du quartier. Les loyers
relativement bas, amènent des personnes de tous horizons à
s'établir. C'est à partir de ce moment qu'un « esprit de
village », encore perceptible, s'est développé. Avec
l'embellissement du Panier, de plus en plus de riverains ont dû
quitter leurs logements, les loyers ayant bondi. D'autres, ont
préféré vendre leurs biens pour acheter ailleurs. Partout on parle
de « mutation » avec un « embourgeoisement »
de la population du quartier.
Pourtant, le remplacement
est loin d'avoir eu lieu. « Vous avez vu nos petites rues,
quand on ouvre les volets le matin, forcément il faut dire bonjour
au voisin d'en face » remarque Patou. Elle énumère quelques
pratiques, que les nouveaux arrivant n'avaient pas envisagé. Le
quartier est loin d'avoir terminé sa cure de jouvence « Il
nous reste quelques friches du côté de Baussenque. Il nous faut
souvent appeler les services municipaux pour dératiser. Même s'il y
a des caméras, ça n'empêche pas quelques uns de déposer leurs
déchets n'importe où » poursuit la présidente du comité
inter-quartier. Ainsi la promesse des promoteurs du Montmartre
marseillais n'est pas (encore) tout à fait tenue. Le Panier, par
conséquent, observe une mixité sociale hors du commun. Un lien
tâche de se créer entre des individus ayant pour seul point commun
leur lieu de vie. Des repas de quartier sont organisés. Les
rendez-vous au cours desquels la population du Panier se rencontre,
se multiplient. Quelques associations favorisent les rapports sociaux
tel que le centre Baussenque.
Manifestement, le Panier
fait de la résistance, mais pour combien de temps encore ? Il y
a fort à parier qu'un jour ou l'autre, s'achève la transformation
de ce rectangle, coincé entre la cathédrale de la Major, le
quartier de la Joliette et le Vieux Port. Si ce détail passera
inaperçu auprès des touristes. Ceux qui chercheront à connaître
ce lieu constateront la perte de son identité si particulière.
Florent BASCOUL
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